Cette idée pouvait presque paraître anodine au départ, comme une simple envie d’expérimenter une nouvelle zone de notre sexualité à deux et y intégrer de nouveaux partenaires. C’était quelque part sortir de notre zone de confort avec un état d’esprit d’appréhension mesurée et une bonne dose d’excitation exacerbée. Avant de m’y plonger j’imaginais ce chemin comme un parcours de plaisir à deux, une continuité de notre cocon de vie de couple. Étonnamment le partage des corps s’est fait naturellement et je n’en garde aucun souvenir réellement douloureux. Nous discutions de nos limites souvent, voire très souvent, nous communiquions sur nos ressentis et faisions évoluer les barrières au fur et mesure que la pratique se confrontait à la théorie.
Mais pour moi, le problème s’est situé sur un plan complètement inattendu : celui de la séduction. Celle-là même qui vous ramène à la vision de votre propre corps et au regard des autres sur lui. Vais-je plaire, est ce que je sais encore séduire ? Tout un dialecte qui disparait au sein d’un couple exclusif, et qui a fait remonter chez moi ce souvenir du moi enfant et jeune homme réservé peu à l’aise avec son corps. Après plusieurs années cumulées de couvade paternelle (x3), j’avais pourtant pris le chemin d’une reprise en main de mon corps. Avant tout pour moi-même, mon bien être, prendre soin de moi, reprendre en main ce corps que j’avais délaissé depuis bien trop longtemps. Mais je me suis vite rendu compte que changer l’apparence de son corps ne change pas automatiquement la vision que l’on a de lui.
Et le milieu que nous fréquentions tous les deux, qui se veut bienveillant et plus inclusif n’était pas non plus exempt de travers. L’attention se portait principalement sur ma compagne et me donnait l’impression de passer juste pour « le mari de … », réveillant cette vieille cicatrice du moi réservé et qui ne se fait jamais remarquer. Cette grande différence de ressenti entre nous des expériences que nous vivions ravivait d’autant plus les choses. Par les conseils de ma compagne, j’ai fini par aller consulter un psychologue pour m’aider dans ce passage difficile. C’était la première fois pour moi, et je n’aurai jamais pensé en arrivé là au départ.
De tous les moments difficiles que j’ai traversés, c’est sans doute le seul pour lequel je n’ai pas trouvé de résilience complète. Aujourd’hui, parfois encore, je ressens un mélange étrange de colère et d’injustice, un sentiment de ne pas être légitime ni à ma place. Mais je sais que ce « regard sur moi » prend trop de place, m’empêche d’avancer, de me lancer. Alors je le mets sous le tapis et je continue d’avancer.
Je ne te connais pas assez bien pour aller creuser au fond de ton inconscient et y extraire des bouts de ton cheminement personnel qui pourraient faire écho à ton texte : je ne suis pas ton psy en somme 😉
Pour autant, je reconnais dans ton texte des fragments de ce que j’ai pu lire ailleurs, d’autres plumes : dans le couple libertin, l’homme est souvent relégué au second plan, puisque la valeur d’échange, c’est la femme (la femme qui doit être bi, bien sûr puisque la sexualité libertine tourne autour d’elle).
Plus sûrement que par ton psy (sans négliger cette piste pour autant), l’apaisement viendra surtout du regard des autres. Je crois savoir que tu as (au moins) une amante qui t’apprécie pour ce que tu es, toi, indépendamment de ta femme. Notre société est encore très inégalitaire : la femme est érotisée, convoitée, rare. L’homme est surnuméraire, son désir est trop envahissant. On peut le regretter, mais l’amertume n’apporte rien, ni à l’individu (qui est encore moins séduisant), ni au groupe : les lignes sociétales bougent si lentement !
Je me retrouve dans ton billet. J’ai aussi, parfois, ce sentiment de colère et d’injustice face au manque d’expression du désir féminin pour la gent masculine. C’est une puits obscur dans lequel je me suis déjà perdu, et j’évite maintenant ses abords autant que possible.
Bon, c’est plus simple à faire quand on n’est plus ni libertin, ni en couple, comme c’est mon cas actuellement. Mais même dans les jeux de séduction hétéros ordinaires, on retrouve cet asymétrie du désir, parfois même explicitement revendiquée.
De mon côté, c’est la fréquentation du milieu gay qui m’a aidé à me faire de moi-même une image plus positive.